Typographie & Civilisation
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Une classification universelle

La classification formelle la plus couramment utilisée, et qui a le mérite de recouper les classifications historiques, est celle élaborée en 1954 par le français Maximilien Vox. Adoptée et complétée par la plus importante organisation typographique mondiale, l’Association typographique internationale (ATypI), elle possède également la caractéristique d’avoir été traduite en anglais et en allemand, renforçant ainsi son caractère universel.

Utilisant des termes artificiellement composés afin de les rendre interprétables de façon identique dans les langues anglo-saxonnes et latines, Vox divise sa classification en trois sous-ensembles :

  • le groupe des Humanes, Garaldes et Réales constitue la trilogie des caractères classiques ou historiques. Leurs caractéristiques communes résident dans leur empattement triangulaire, leurs faibles contrastes entre pleins et déliés, le contraste entre un œil relativement petit comparativement à des longs jambages ou encore une certaine inclinaison de l’axe des lettres.
  • le groupe des Didones, Mécanes et Linéales constitue la trilogie des caractères modernes, nés avec la Révolution industrielle vers la fin du XIXe siècle. Sous l’influence du machinisme, ces caractères ont pour particularité d’être constitués de traits simples.
  • moins utilisé que les deux grandes familles précédentes, le groupe des Incises, Scriptes et Manuaires constitue la trilogie des caractères d’inspiration calligraphique. 
L’ATypI a complété ces neufs catégories en introduisant la catégorie des Fractures où l’on retrouve tous les caractères gothiques, traditionnellement très utilisés en Allemagne, et la catégories des lettres non latines pour ranger les écritures non latines telles que l’hébreu, l’arabe ou encore le coréen.

Equivalences internationales
 
Français Anglais Allemand
Humanes Humanistic Venetianische Antiqua
Garaldes Garaldic Renaissance Antiqua 
Réales Transitional Barok Antiqua
Didones Didonic Klassisistische Antiqua 
Mécanes Mechanistic Serifenbetonte Linear Antiqua 
Linéales Lineal Serifenlose Linear Antiqua 
Incises Incised Sonstige Antiqua Varianten 
Scriptes Script Schreibschriften 
Manuaires Manual Handschriftliche Antiqua
Fractures Black Letter  Gebrochen Schriften 
Non latines Non latin Fremde Schriftarten 

Analyse

Il est à noter le fait qu’un caractère donné peut rarement être classé d’office dans l’une ou l’autre des catégories définies ci-dessus : il emprunte en général des caractéristiques à l’une ou l’autre des catégories types.

Le Cheltenham, caractère américain de la fin du XIXe siècle est ainsi un romain trapu, aux formes archaïques, ce qui l’apparente aux Humanes. Mais ses empattements quasi rectangulaires le rapproche des Mécanes : on pourrait donc le caractériser en le baptisant du doux nom de Humane-Mécane.

Perspectives

Pour conclure sur ce point laissons parler Maximilien Vox cité par Gérard Blanchard :

« Chaque famille de caractère, selon la classification de Lure [la classification Vox fut proposée lors de la retraite graphique internationale de Lure en Haute Provence] possède son passé, son présent, son avenir. Chacune de ces familles correspond à la fois à un style graphique, à un moment de l’histoire, à un fait intellectuel. » (Vox, « Biologie des caractères d’imprimerie », Cahier Vox, Lure, 1975)


d’après un croquis der Vox (La Chose imprimée)

« Ces familles ont été déterminées d’un point de vue, c’est-à-dire selon les caractéristiques réelles présentées par les modèles de lettre employés en imprimerie, et en tenant compte du fait que chaque être vivant procède de deux parents et présente des traits héréditaires qu’il suffit de savoir reconnaître. Le défaut, à notre avis, des classifications trop savantes ou trop subtiles proposées jusqu’ici est de ne pas s’être appuyé sur cette notion essentielle de filiation ou de l’avoir réduit à une simple notion chronologique ou esthé- tique. » (Vox, Nouvelle classification des caractères, Estienne, 1954)